Le défi de sœur Gauthier

Le 17 aout 2021

À la fin des années soixante, la barre était haute à l’École de sciences infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface.

Les étudiantes inscrites à ce qui était à l’époque un programme de trois ans menant à un diplôme devaient travailler fort, et personne ne rendait cela plus clair que sœur C. Gauthier, directrice de l’école de 1967 à 1971.

« Nous avions beaucoup de respect pour elle, et une certaine crainte aussi, je pense », se souvient Linda Everitt (née Christie), l’une des 90 jeunes femmes à obtenir son diplôme en 1968. « Sœur Gauthier était gentille, mais sévère. » Après 1968, la durée du programme a été réduite à deux ans.

« Vous poursuivrez vos études. »

Sœur C. Gauthier, Directrice (1967-1971), École de sciences infirmières, Hôpital Saint-Boniface.

Les candidates à l’École de sciences infirmières devaient faire un test de QI dans le cadre du processus d’admission. En tant qu’étudiante, Mme Everitt a déjà été appelée dans le bureau de la directrice pour discuter de ses résultats scolaires. « Sœur Gauthier m’a dit : “Vos performances ne sont pas à la hauteur de votre QI, Mme Christie. Vous avez été testée. Vous pouvez faire mieux; vous n’essayez tout simplement pas.” »

« Et c’était vrai. Elle m’a prise à me laisser aller un peu. Je n’étais pas en situation d’échec, mais elle exigeait que l’on donne le meilleur de nous-mêmes. C’était plutôt une façon de dire : “Vous poursuivrez vos études” », explique Mme Everitt, qui habite à Warman, en Saskatchewan.

« Je n’ai pas aimé la formation qu’on nous donnait à l’époque – jusqu’à ce que je commence à travailler sur le terrain. Ce qui rendait l’Hôpital Saint-Boniface spécial à mes yeux, c’est qu’il était respecté dans l’industrie. »

Sa collègue de classe Julie Garlinghouse (née Haidish) a travaillé dans des hôpitaux à Juneau, en Alaska, et à San Francisco, en Californie, après l’obtention de son diplôme en 1968. « J’ai eu des entrevues d’embauche dans plusieurs hôpitaux de la région de la baie de San Francisco grâce à mon expérience en Alaska et à mes études au Canada, explique-t-elle. Les infirmières canadiennes ont la réputation aux États-Unis d’avoir une excellente formation et Saint-Boniface offrait, à cette époque, le meilleur programme de soins infirmiers menant à un diplôme. »

Fonds de dotation pour soutenir la formation

Promotion de 1968 de l’École de sciences infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface, aux retrouvailles du 50e anniversaire.

Les diplômées de la promotion de 1968 de l’École de sciences infirmières ont créé un fonds de dotation par l’entremise de la Fondation de l’Hôpital Saint-Boniface, en hommage à sœur Gauthier et pour marquer le 50e anniversaire de l’obtention de leur diplôme. Le Fonds soutiendra directement les efforts de formation continue des infirmières autorisées qui travaillent à l’Hôpital.

« En tant qu’infirmières, nous apprenions davantage sur le tas à cette époque, dit Mme Everitt. En plus, nous assistions à une conférence tous les ans; j’ai assisté à plusieurs d’entre elles partout au Canada, et j’ai beaucoup appris. La formation continue est importante à mes yeux, car elle permet aux gens de faire évoluer leurs compétences professionnelles, ce qui les rend plus aptes à l’emploi. »

« Ma formation en sciences infirmières à l’Hôpital Saint-Boniface a été une sorte de rampe de lancement pour le reste de ma vie, ce qui était une bonne chose », dit-elle.

Des infirmières formées pour défendre les intérêts des patients

« Le défi que nous a lancé sœur Gauthier était de faire des études de qualité, et de continuer à apprendre, pour nous permettre de défendre au mieux les intérêts des patients, souligne Mme Garlinghouse. Je me souviens bien que, chaque fois que je me retrouvais dans son bureau, elle disait : “Vous devez continuer votre formation scolaire, Mme Haidish.” »

« Je me disais que si seulement j’étais première de classe, j’aurais une bourse. Puis je lui répondais : “Oui, bien sûr, ma Sœur, mais je dois d’abord gagner de l’argent pour poursuivre mes études à l’université.” »

La présidente de la promotion de 1968, Margaret Brook, avait eu une discussion similaire, selon Mme Garlinghouse. « Sœur Gauthier lui a dit : “Vous devez aller à l’université, ma chère.” »

« Et Margaret a répondu : “Moi? Je m’en vais à Hawaï!” Mais ce qui s’est passé, c’est qu’après notre remise de diplôme, elle est arrivée chez elle à Vancouver – je crois que c’était un vendredi –, et le lundi suivant, elle était inscrite à l’Université de la Colombie-Britannique! »

Le fonds permettra de perpétuer l’héritage de l’École de sciences infirmières

Les infirmières qui ont étudié à l’École de sciences infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface à la fin des années soixante ont bénéficié d’apprentissages poussés en anatomie, en physiologie, en psychologie, en sociologie et autres matières. « À ce moment, en Californie, j’avais un diplôme en poche, et je travaillais avec des gens qui rédigeaient les manuels scolaires des infirmières », soutient Mme Garlinghouse.

« J’attribue tout cela à ma formation de base en sciences infirmières à Saint-Boniface. Les connaissances de l’anatomie et de la physiologie, la force de la pensée critique, et ainsi de suite. Et le fait que Saint-Boniface nous a appris à toujours prendre une longueur d’avance, pour ainsi dire, pour que nous puissions être les meilleures défenderesses de nos patients. »

« C’est ce que nous tentons d’accomplir avec le fonds de dotation, c’est-à-dire perpétuer cet héritage pour que les infirmières de l’Hôpital Saint-Boniface continuent à apprendre, à adopter les changements qui surviennent dans le domaine de la santé et de la technologie, et à toujours avoir une longueur d’avance. Nous voulons que le fonds aide les infirmières qui travaillent actuellement à l’Hôpital à poursuivre leur croissance personnelle », explique-t-elle.

« Notre promotion était unique. On peut dire cela de toutes les promotions. Mais cela perpétue vraiment ce qu’était le défi de sœur Gauthier, et certainement, 150 ans plus tard, cela dit exactement ce qu’étaient les Sœurs Grises. »


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