Détective de maladies du cœur

Le 21 août 2024

Comment pouvons-nous mieux prévenir et prendre en charge les maladies cardiovasculaires? Cette question préoccupe le Dr Peter Zahradka, chercheur maintes fois honoré de l’Hôpital Saint-Boniface, depuis 25 ans.

« Le plus gros problème est que si vous souffrez d’une maladie cardiovasculaire, vous ne le découvrirez le plus souvent qu’après une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral », explique le Dr Zahradka, chercheur principal au laboratoire de physiologie moléculaire du Centre canadien de recherches agroalimentaires en santé et médecine (CCARM) de l’Hôpital Saint-Boniface. « Pour moi, c’est trop loin de la phase initiale », se désole-t-il.

Un de ses collègues du Minnesota lui a un jour fait remarquer que les médecins disposaient d’une batterie de tests médicaux pour dépister les cancers, ce qui lui a ouvert les yeux. « Nous avons des tests Pap pour le cancer du col de l’utérus chez les femmes, des tests de l’APS pour le cancer de la prostate chez les hommes. Nous n’avons pas de tests pareils pour les maladies cardiovasculaires. Ne pourrions-nous pas en avoir? »

En reconnaissance de son travail acharné, il a reçu le Prix Duhamel pour l’innovation 2024. L’annonce a été faite en avril dernier lors du déjeuner de célébration des donateurs de la Fondation de l’Hôpital Saint-Boniface. La Fondation a créé ce prix en 2004 pour célébrer et encourager les personnes qui, comme lui, incarnent l’innovation et le leadership dans l’avancement des soins de santé pour les Manitobaines et les Manitobains.

« Je sais bien que nous menons des recherches très novatrices depuis plus de 30 ans, mais être sélectionné pour le Prix Duhamel pour l’innovation a été un très grand honneur. C’était une surprise, et cela m’a fait plaisir », s’exclame-t-il en riant.

« Le prix m’a confirmé que ce que nous faisons au CCARM est vraiment important. Oui, les scientifiques peuvent travailler en vase clos; nous nous concentrons sur les travaux qui nous intéressent. Mais en même temps, l’un de mes plus grands souhaits était de voir certains de nos travaux faire la différence pour le public.

Je pense que nous y sommes parvenus », poursuit-il. « C’est bien ce que nous faisons. Nous menons actuellement des études qui pourraient fournir, d’ici cinq ans, des indications sur ce que les gens peuvent faire pour améliorer leur état de santé.

Pleins feux sur les maladies vasculaires
Le Dr Peter Zahradka, chercheur à l’Hôpital Saint-Boniface, a consacré une grande partie de sa carrière à percer les secrets des maladies cardiovasculaires.

Les médecins, comme ceux qui travaillent à l’Hôpital Saint-Boniface, font des choses formidables pour maintenir en vie les patients atteints de maladies cardiovasculaires. Cependant, ils ne se concentrent pas tant sur la cause de la maladie.

Nous aimerions intervenir dans les processus qui mènent à la maladie, au stade précoce, afin d’éviter l’infarctus ou l’accident vasculaire cérébral. C’est aussi à ce stade précoce que l’on a la possibilité de moduler le processus avant qu’il ne soit trop avancé et que la maladie ne s’installe. »

Avec ses collègues du CCARM, il pense que la réponse au problème des maladies cardiaques pourrait résider dans ce que nous mangeons.

« Nous avons cherché à savoir si les aliments ou leurs composants pouvaient avoir un effet sur le métabolisme ou le système cardiovasculaire. Ces deux éléments sont étroitement liés », explique-t-il.

« L’obésité. Le diabète. Ce sont des troubles métaboliques, et les patients qui en sont atteints contractent des maladies cardiovasculaires. Mais ce sont les maladies cardiovasculaires qui entraîneront la mort. Alors, la question est : quel est le lien entre les deux? ».

Le Dr Zahradka est convaincu que pour vaincre les maladies cardiaques, il faut se concentrer sur les maladies vasculaires. « En effet, si vous avez une crise cardiaque, c’est à cause d’une obstruction dans un vaisseau sanguin. Si vous avez un accident vasculaire cérébral, c’est qu’il y a un blocage dans un vaisseau sanguin, ou que le sang s’en échappe », explique-t-il.

« Nous voulons savoir comment un dysfonctionnement métabolique peut conduire à une maladie cardiovasculaire, et si quelque chose dans notre alimentation peut défaire ce lien. Nous essayons de comprendre les processus impliqués dans ce lien. »

La ménopause associée à une rigidité artérielle

Un autre volet de ses recherches s’inscrit dans le cadre de l’initiative de l’Hôpital sur la santé cardiaque des femmes. Avec ses collègues, il étudie les causes de l’artériosclérose, c’est-à-dire du durcissement des artères, qui est un élément clé du processus précoce menant aux maladies cardiovasculaires.

Ils ont découvert que la ménopause semble avoir un lien avec la rigidité artérielle. Mais quel est ce lien, et comment l’expliquer?

« Nous avons réalisé plus de 25 essais cliniques jusqu’à présent. Il est très stimulant de disposer des installations et des moyens nécessaires pour mener ce type de travaux ici. Nous pouvons passer du laboratoire au chevet des patients à l’Institut de recherche clinique Asper. C’est une chance unique. C’est merveilleux d’en être capable », s’exclame-t-il.

Les chercheurs du CCARM ont mesuré la rigidité artérielle d’un grand nombre d’hommes et de femmes de différents âges dans le cadre de plusieurs études et ont prélevé des échantillons de sang. Le Dr Zahradka et ses collègues chercheurs principaux, le Dr Harold Aukema et la Dre Carla Taylor, se sont intéressés à des molécules dérivées d’acides gras polyinsaturés. « Il s’agit de l’huile de poisson, de l’huile de canola et de l’huile de lin », explique-t-il.

La technologie utilisée dans le laboratoire du Dr Aukema permet d’analyser plus de 200 composés, ou constituants d’aliments, présents dans les échantillons de sang. « Nous avons trouvé trois composés qui semblaient liés à la rigidité artérielle : celle-ci était plus faible chez les femmes avant la ménopause et plus élevée après.

Nous menons actuellement une étude clinique auprès de femmes ayant atteint l’âge de la ménopause où nous leur administrons de l’huile de poisson pour voir si cela ralentit le développement de la rigidité artérielle. Si c’est le cas, les femmes pourront aisément avoir recours à l’huile de poisson, que l’on trouve dans les rayons. Ce ne serait pas un traitement coûteux ».


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