Le décès d’un mensch

Archibald Honigman n’a jamais cessé de se faire des amis, même lorsqu’il était traité pour la COVID 19 à l’Unité des soins intensifs (USI) de l’Hôpital Saint Boniface.

« À son arrivée à l’USI l’automne dernier, Arch a reconnu le nom du premier médecin à l’avoir examiné. Il avait lu un article sur lui dans le journal et voilà qu’il faisait sa connaissance, se rappelle Joanna Biondi, sa conjointe des 11 dernières années. (Ils se sont mariés en 2017.) Il est devenu ami avec les infirmières. Chaque jour de la semaine, il arrivait toujours à tisser un lien avec une infirmière. »

Arch Honigman se liait facilement avec ses soignants de l’USI en leur posant des questions sur leur vie afin de mieux connaître chacun d’entre eux. Il se souvenait toujours d’eux à leur quart de travail suivant.

Ayant tous deux survécu au cancer, Arch et Joanna ont toujours été prudents durant la pandémie de COVID 19. De plus, Arch souffrait déjà de diabète de type 2. Bien que pleinement vacciné et respectueux des directives de la Santé publique, Arch Honigman est décédé à l’hôpital en septembre 2021 de complications liées à une éclosion de COVID-19 causée par le variant Delta, hautement contagieux. Il avait 61 ans.

De son vivant, Arch Honigman était toujours prêt à venir en aide aux membres de sa communauté. Il était le cofondateur d’une entreprise prospère de gestion et de développement immobilier comptant de nombreux employés et entrepreneurs de Winnipeg. Sa passion était d’acheter des immeubles patrimoniaux en mauvais état et de les rénover.

« Un jour, une maison a été ravagée par un incendie. Dès qu’il a appris la nouvelle, Arch a dit à la famille sinistrée de ne pas s’inquiéter et lui a offert un appartement dans l’un de ses immeubles, en attendant qu’elle se trouve un autre endroit où vivre. S’il pouvait améliorer et faciliter la vie d’une personne, il était très heureux de le faire. »

Arch Honigman était fier de ses racines juives. C’était une personne compatissante et curieuse des autres. « C’est une chose de s’occuper de sa propre famille, mais c’en est une autre de s’occuper de celles des autres. Arch se sentait toujours responsable de ses employés et de ses proches amis et il en prenait soin. »

Aujourd’hui, Joanna se sent « éternellement reconnaissante » qu’il ait été traité, à son tour, avec autant de compassion et de bienveillance durant son séjour à l’USI de l’Hôpital Saint Boniface.

Hospitalisé en raison de son faible niveau d’oxygène

Le 18 septembre, quatre jours après avoir été déclaré positif à la COVID 19, Arch était à la maison avec son épouse. Ses symptômes étaient apparus environ une semaine plus tôt et son état ne s’améliorait pas. « Un soir, Arch est sorti de la salle de bain avec les cheveux mouillés. J’ai d’abord cru qu’il ne les avait pas séchés après sa douche avant de réaliser qu’il transpirait abondamment », raconte Joanna.

Alertée par un mystérieux « sixième sens » et inquiète pour la santé de son mari, Joanna a lancé un appel à l’aide à son beau frère, qui est médecin. « Il est arrivé et a mesuré le niveau de saturation en oxygène d’Arch. Voyant qu’il était dangereusement bas, autour de 76 %, nous avons immédiatement appelé le 911 », se rappelle t elle.

« Arch n’avait jamais pensé qu’il en arriverait là »

Honigman était réticent à quitter la maison et il a demandé aux ambulanciers s’il pouvait se reposer chez lui. Joanna pense qu’il avait peur d’aller à l’hôpital. « Il était encore capable de se tenir debout. Mon beau frère a montré aux ambulanciers les résultats du test et leur a dit de l’emmener à l’hôpital, raconte t elle. Avec de pareils résultats, c’est extraordinaire qu’il ait pu encore parler et se tenir debout. Arch n’avait jamais pensé qu’il en arriverait là. » Les ambulanciers l’ont placé dans un fauteuil roulant et l’ont emmené à l’ambulance.

« En quittant la maison, mon mari ne se doutait pas qu’il n’y reviendrait jamais. Moi non plus d’ailleurs. »

Ce soir là, Arch est arrivé au service d’urgence de l’Hôpital à 19 heures. Son état s’est d’abord stabilisé et amélioré un peu, mais à 2 heures du matin, il avait tellement de difficulté à respirer qu’il a été transféré à l’Unité des soins intensifs pour une oxygénothérapie nasale à haut débit.

Le promoteur immobilier de Winnipeg Arch Honigman, décédé à l’Hôpital Saint Boniface en septembre à la suite de complications liées à la COVID-19.

En raison des restrictions liées à la pandémie, les visites étaient interdites à l’USI. Les aumôniers et le personnel infirmier organisaient régulièrement des appels Zoom entre Arch, son épouse et des proches, auxquels l’équipe soignante participait à l’occasion. « Nous étions tellement heureux d’avoir ces appels Zoom, poursuit Joanna. Nous y participions tous et l’aumônier nous informait de l’état d’Arch et de ce que disaient les médecins et les infirmières. »

« Nous avons eu de belles conversations sur Zoom. La plupart du temps, Arch était assis dans son lit et avait bonne mine. C’était bien de le voir dans son environnement. Les infirmières adoraient Arch et c’était vraiment réciproque. Il faut avoir des qualités particulières pour soigner les malades. Je ne sais pas comment les soignants arrivaient à faire leur travail tout en s’occupant de mon mari… Croyez moi, ils l’ont vraiment bien traité. Arch trouvait toujours le moyen d’obtenir ce qu’il voulait. C’était difficile de lui dire non! Ils ont vraiment beaucoup de mérite. »

À l’USI, Arch pouvait utiliser son téléphone cellulaire et il appelait souvent Joanna et ses amis. Les infirmières veillaient à ce que le téléphone soit toujours chargé et fonctionnel. « Arch était rassuré de savoir qu’il pouvait nous appeler en tout temps », dit elle.

Au bout de cinq jours à l’USI, il a dû être intubé

La docteure Kendiss Olafson, spécialiste des soins intensifs, s’est inquiétée de voir qu’Arch avait de plus en plus de difficulté à respirer. Elle a donc décidé de l’intuber et de le mettre sous respirateur. L’espoir, c’était que son état s’améliore et se stabilise au bout de quatre ou cinq jours.

« La docteure Olafson a été une bénédiction, dit Joanna. C’était un médecin formidable et aussi une excellente communicatrice. Non seulement elle nous donnait toute l’information sur l’état d’Arch, mais elle parlait en termes simples pour être certaine que je comprenais bien »

Comme Arch devait être intubé au début de l’après midi, les infirmières ont rapidement organisé un appel Zoom après 11 heures avec Joanna et ses proches pour leur donner la chance de lui parler une bonne demi heure.

« Cet appel a été le dernier que nous avons eu avec Arch, mais nous ne le savions pas », poursuit elle.

Arch Honigman et Joanna Biondi se sont mariés en mai 2017. Elle est « éternellement reconnaissante » pour les soins qu’il a reçus à l’Unité des soins intensifs de l’Hôpital Saint Boniface.

« Il avait l’air assez bien. Les infirmières étaient à son chevet, mais j’ai senti tout le poids de la maladie. J’ai tenu à lui dire certaines choses avant qu’il soit intubé. Je lui ai dit combien je l’aimais, quelle chance j’avais eue de le rencontrer et combien j’étais fière que nous soyons mari et femme. »

« Nous ne pensions pas que nous allions le perdre. Je ne cessais de lui répéter que j’avais tellement hâte qu’il revienne à la maison. Il m’a même demandé s’il serait de retour pour l’Halloween, une fête qu’il adorait! Jamais je n’oublierai ça. »

« Il n’arrêtait pas de dire que tout le personnel de l’Hôpital était tellement gentil avec lui. Nous savions que nous allions devoir mettre fin à l’appel afin qu’ils le préparent pour l’intubation. Après lui avoir dit mes derniers mots, j’ai entendu la docteure Olafson lui dire qu’il allait être intubé seulement quelques jours. Il a demandé si cela allait être douloureux. Elle s’est penchée vers lui et lui a pris la main. À ce moment là, j’avais tellement envie de le serrer dans mes bras et de lui tenir la main, que je me suis imaginé que c’était moi qui lui tenait la main. »

« Elle l’a apaisé. Je me suis demandé comment les médecins arrivaient à faire cela? Ils ont l’intelligence, les connaissances, la détermination et le dévouement. Et en plus de tout cela, ils ont un grand cœur plein d’amour qu’ils donnent non seulement à leur famille, mais à des gens qu’ils connaissent à peine. Cela m’a renversée! »

Pour des raisons inconnues, l’état d’Arch s’est brusquement détérioré quelques heures après qu’il ait été placé sous respirateur. Il a fait plusieurs arrêts cardiaques plus tard dans la journée et en soirée. Après le premier, Joanna et sa sœur ont été invitées à venir à son chevet.

« C’est la docteure Olafson qui nous a accueillies à la porte ce jour là et je lui ai dit à quel point j’étais contente que ce soit elle qui traite Arch. Je lui ai dit que je l’avais vue lui tenir la main tout à l’heure et que ne n’avais pas de mots pour lui exprimer ma reconnaissance. »

« Et elle m’a répondu qu’elle n’était pas toute seule, qu’il y avait toute une équipe autour de lui. Et quand nous sommes entrées, j’ai vu l’équipe. Tout le monde s’affairait autour d’Arch … ils étaient si gentils et si accommodants. Quelques amis intimes d’Arch ont aussi eu la permission de venir le voir après 18 h ce soir là. »

Des amis et des collègues ont récité des prières

Quelques amis se sont réunis sous la fenêtre de sa chambre, sur le boulevard Taché, pour réciter le Mi Sheberach, la prière juive pour demander la guérison. « Avec l’aumônier, les amis d’Arch dans la rue qui récitaient les prières pour les malades et moi, qui était au téléphone avec l’église, Arch était bien entouré. Le personnel nous a si gentiment facilité les choses », se souvient elle.

Après son deuxième arrêt cardiaque, Arch Honigman a été transporté d’urgence de l’USI au laboratoire de cathétérisme cardiaque de l’Hôpital. Une fois rendu, son cœur a cessé de battre à nouveau. C’en était trop pour son corps.

La fin est survenue seulement cinq nuits après son arrivée à l’Hôpital Saint Boniface. Huit heures après avoir été placé sous respirateur, Archibald Honigman a rendu l’âme à 20 h 30, le 23 septembre.

« C’était la première fois de ma vie que je voyais quelqu’un qui venait de mourir. Il semblait paisible et serein. Avec ses amis proches, nous l’avons veillé et je lui ai tenu la main jusqu’à ce que le personnel de la synagogue vienne le chercher. Le personnel et les médecins ont veillé à ce que nous soyons aussi à l’aise que possible dans la chambre. »

Même sur son lit de mort, Arch Honigman est demeuré un mensch (en yiddish, une personne admirable et honorable) qui voulait remercier ses soignants. La veille de son décès, il a demandé à sa femme d’offrir au personnel ses délicieux biscuits glacés. Il était comme ça Arch! Il était connu pour les lunchs et les chocolats Morden qu’il offrait souvent à ses employés, à ses amis et aux membres de sa famille en guise d’appréciation.

Joanna Biondi n’a pas eu le temps de répondre cette demande du vivant de son mari, mais elle a rempli sa promesse trois semaines plus tard. Elle a envoyé au personnel de l’USI une carte de remerciement accompagnée d’une soixantaine de biscuits glacés enveloppés individuellement, avec le mot Merci délicatement écrit en glaçage.

« Les biscuits sont arrivés un peu tard, explique Joana. Je les ai offerts pas seulement parce qu’Arch me l’avait demandé, mais pour exprimer ma gratitude une dernière fois. »


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