Le 15 novembre 2024
La première conférence en son genre au Manitoba a rassemblé des fournisseurs de soins de santé d’un bout à l’autre de la province pour discuter d’un sujet difficile et apprendre sur cette question, avec le soutien des donateurs de l’Hôpital Saint-Boniface.
La conférence du Manitoba sur la perte de grossesse et la mort infantile a eu lieu les 24 et 25 octobre à l’Inn at the Forks à Winnipeg. Le programme d’obstétrique, gynécologie et néonatologie (OGN) de l’Hôpital a organisé une conférence, avec la collaboration de la Clinique de santé des femmes et du Centre des sciences de la santé de Winnipeg.
La conférence a accueilli environ 80 participants représentant presque tous les offices régionaux de la santé du Manitoba. Les participants comprenaient des infirmières, des médecins, des doulas, des travailleurs de soutien communautaires, des travailleurs sociaux, des thérapeutes, des sages-femmes, des travailleurs en santé spirituelle, des psychologues et des gestionnaires des soins de santé.
« Nous voulons avoir une plus grande ouverture sur ce sujet », a déclaré Chloe Shindruk avant la conférence. Shindruk est infirmière clinicienne spécialisée du Programme d’OGN et présidente du comité de planification de la conférence à l’Hôpital Saint-Boniface. « Notre objectif est de soutenir les fournisseurs de soins de santé, de leur fournir les pratiques exemplaires et les outils dont ils ont besoin pour prodiguer les soins avec le plus de compassion possible, et de partager des connaissances. »
Jusqu’à une grossesse sur cinq se termine par une perte, selon Statistique Canada. C’est un nombre considérable, selon Shindruk. « L’appréhension ou l’expérience de la perte d’une grossesse ou le décès d’un bébé sont plus fréquentes qu’on pourrait le croire », dit-elle.
Une perte traumatisante pour les familles
Sherokee Ilse, célèbre conférencière, formatrice et auteure internationale de Tucson, en Arizona, a animé les discussions et les panels à la conférence, et prononcé le discours-programme. Ilse est également consultante, défenseuse des intérêts des parents et elle-même parent endeuillé.
« Quand un bébé meurt, ça n’a rien de banal, a déclaré Ilse par téléphone de Tucson avant la conférence. C’est un événement extrêmement marquant pour les familles, a-t-elle ajouté. Ça n’a rien à voir avec la grosseur du bébé ou la durée de la grossesse; ça concerne l’avenir que les parents envisageaient dans leur cœur et leur esprit. C’est traumatisant et bouleversant pour la plupart des familles. »
« La mort… ne définit pas ces bébés. L’amour, oui. »
« Ça va plus loin que le décès du bébé; c’est une question de naissance, de vie et d’amour pour un bébé. La mort ou les problèmes d’un bébé ne définissent pas ce bébé. L’amour, oui. Quand les parents entendent ces paroles, ça les libère pour leur permettre d’aimer leur bébé sans avoir peur, en plus de prendre de meilleures décisions fondées sur l’amour. Les fournisseurs de soins de santé peuvent en apprendre tellement de la bouche et du cœur des personnes qui ont vécu ce genre de chose », a-t-elle conclu.
Ilse offre du soutien aux parents endeuillés dans des cliniques et des hôpitaux en Arizona, peu après le moment où ils apprennent la nouvelle. « Je dis aux parents qu’il s’agit d’une histoire d’amour. Vous aimez votre enfant, alors vous prenez les décisions à venir en vous basant sur l’amour, et non pas la peur, dit-elle. En basant chaque décision et chaque choix sur l’amour, vous réduisez la plupart des regrets et maximisez les souvenirs qui vous réconforteront au fil du temps. »
Les fournisseurs de soins de santé au Manitoba ont encore beaucoup de travail à faire pour comprendre les besoins des familles, a expliqué Shindruk. « Nous nous demandons, sur plusieurs fronts, comment nous pourrions intégrer une approche globale axée sur la famille qui tient compte de toutes les dimensions de l’expérience de la perte. »
« Certaines personnes prodiguent ce genre de soins avec brio, mais c’est souvent derrière portes closes. La conférence leur donnera l’occasion de parler de leurs expériences et d’apprendre les uns des autres », dit-elle.
Des parents endeuillés et les membres de leur famille ont également été invités à prendre la parole à la conférence. « Nous voulions entendre ce qui s’était bien passé en ce qui concerne les soins prodigués, et les occasions qui ont été manquées. À quels besoins non satisfaits pouvons-nous répondre? Comment pouvons-nous relever le défi? Nous avons conçu cette conférence afin de lever le voile et d’approfondir nos connaissances », déclare Shindruk.
Les parents doivent rencontrer, tenir et aimer l’enfant qu’ils ont créé
Dans les cas de perte de grossesse et de mort infantile, les fournisseurs de soins de santé n’ont qu’une seule occasion de réagir de la bonne façon, et les parents n’ont qu’une seule occasion de s’occuper de leur bébé. On ne peut pas revenir en arrière, souligne Ilse. « Les fournisseurs de soins ont l’occasion et la responsabilité, de faire de leur mieux pour s’assurer que les familles obtiennent des soins exceptionnels qui repoussent les limites. »
Les fournisseurs de soins de santé font souvent l’erreur de penser qu’ils peuvent protéger les parents, dit-elle.
« S’ils s’acharnent à vouloir “résoudre” les problèmes, les parents leur apprendront que c’est impossible. Ce genre d’attitude peut dévaloriser nos expériences en raison du besoin naturel d’être parent, de ressentir l’amour et le chagrin et de composer avec la situation de façon délibérée. »
« Lorsque les fournisseurs de soins s’occupent de la plupart des soins au bébé, comme le baigner, le changer de couche, l’habiller ou lui couper les cheveux, je leur demande : “qui assume le rôle de parent du bébé : vous ou les parents?”. En essayant d’aider, ils risquent de leur voler la seule occasion qu’ils ont de créer des souvenirs de leur rôle de parents. Il y a souvent un déclic lorsqu’ils s’aperçoivent que ce genre d’habitude peut faire du tort. Les parents ont besoin de rencontrer leur bébé et de l’intégrer à leur famille, avant de pouvoir lui faire de beaux adieux, ajoute-t-elle. Ils ont besoin de quelqu’un qui les traite comme des parents qui ont un enfant. »
En grande majorité, les fournisseurs de soins de santé veulent comprendre l’expérience de la famille, qu’elle soit positive ou négative, explique Shindruk.
« Nous nous efforçons vraiment de relier les compartiments du système de santé. Les familles qui vivent une perte ont des interactions avec divers professionnels de la santé et programmes de soins de santé. Comment pouvons-nous comprendre ce que nous faisons les uns les autres? Quelles sont les différentes approches? Nous voulons mieux comprendre le parcours de soins », dit-elle.
La conférence a ouvert le dialogue
La création de souvenirs pour les familles devrait être la priorité absolue après une perte, souligne Ilse. Elle encourage les parents à changer leur bébé de couche, à lui donner le bain et à l’habiller.
« Chantez-lui “joyeux anniversaire”, apportez un gâteau, impliquez les autres enfants et passez du temps tranquille en famille. Tout cela crée leur histoire de façon plus délibérée, afin que la famille ait des choses à se rappeler, à raconter et à chérir », dit-elle.
« Les conférences de ce genre sont utiles. Nous ouvrons le dialogue et offrons aux fournisseurs de soins de santé des suggestions pratiques pour être présents et délibérés avec les familles. Nous devons nous efforcer de toujours prendre des nouvelles de ces familles, les écouter et améliorer nos soins. »
« C’est tout à fait logique, mais c’est tellement difficile pour les gens, parce que les bébés ne sont pas censés mourir. »